Maladie naviculaire
Le syndrôme podotrochléaire, communément appelémaladie ou syndrôme naviculaire, est un cauchemar pour les propriétaires de chevaux. Non seulement il est ressenti comme quelque chose de "mystérieux", mais il est considérée habituellement comme « incurable », et son diagnostic une fois posé équivaut quasiment à une condamnation à mort. Certes, le cheval peut-être rendu de nouveau utilisable pour un certain temps par un traitement conventionnel comme une névrectomie ou une ferrure orthopédique. Mais il n’a alors plus du tout de sensibilité dans les pieds traités, et avec les membres engourdis il se déplace au risque de trébucher ou de tomber. De plus, avec ce traitement purement symptomatique, le cheval n’est pas réellement guéri, et aussitôt que la névrectomie ou la ferrure spéciale ne peuvent plus supprimer la boiterie parce que la douleur revient, une fin précoce le guette. La maladie naviculaire n'est pas une maladie héréditaire contrairement à ce que l'on peut souvent lire ou entendre.
Le syndrome podotrochléaire est certainement une des pathologies la plus étudiée, discutée et controversée en médecine vétérinaire équine. Quant à sa cause, on avance classiquement diverses théories, parfois aventureuses : on situe habituellement le problème au niveau de l’appareil podotrochléaire qui se compose de l’os naviculaire, de la bourse séreuse (podotrochléaire) ainsi que du tendon fléchisseur profond. On indique comme cause pour la boiterie, qui est peut-être présente depuis des années déjà, soit une inflammation de la bourse podotrochléaire, soit la lésion du tendon fléchisseur profond sous l’action de frottements, ou encore un changement de la structure de la partie spongieuse de l’os naviculaire. ( L’os spongieux est la structure interne d’un os, moins dure que la corticale qui l’entoure.)
Notre approche dans tous les efforts de guérison étant l’identification et l’élimination des causes du problème, nous n'avons pas la même façon de procéder, que ce soit dans les cas qui peuvent être soignés sur place, ou dans les cas plus sévères qui nécessitent une réhabilitation dans une clinique des sabots.
Notre protocole consiste à examiner dans un premier temps la boîte cornée et à reconnaître les divergences que montrent ces sabots par rapport à une forme de sabot saine et optimale. Dans le cas de sabots "naviculaires", il s’agit toujours de sabots contractés (encastelés), avec des talons pressés vers l’avant (talons fuyants) qui créent à l’appui du poids du corps un effet de levier trop important repoussant les barres vers le haut et l’intérieur, c’est à dire vers le centre du sabot. L’ensemble de la voûte solaire est alors pressé vers le haut alors qu’elle devrait descendre, et le chorion ( tissus producteur de corne et richement innervé) se retrouve comprimé entre le tendon fléchisseur profond (sous tension et très dur) et la corne dure du sabot, ce qui déclenche la douleur.
Lors d’une inflammation le test de la pince dans la région naviculaire est fortement positif car il permet de recréer cette compression du chorion en projetant la sole contre le tendon du fléchisseur profond.
L’interprétation selon laquelle les douleurs viennent de l’os naviculaire n’en reste pas moins fausse, bien que des modifications de structure de l’os naviculaire soient parfaitement objectivables à la radiographie, ce que nous expliquerons plus loin.
Sur une coupe transversale de sabot contracté et déformé tel que nous l’avons décrit plus haut ( barres poussées vers le haut par des talons trop longs, barres trop longues en contact permanent avec le sol ou avec un fer en œuf par exemple), il apparaît clairement que l’espace entre les barres et le tendon fléchisseur profond est beaucoup trop mince, et que le chorion montre une coloration grise jaunâtre typique d’une structure comprimée et nécrosée.
Sur une même coupe de sabot sain, l’espace est plus large et le chorion beaucoup plus vascularisé montre un aspect rouge.
Les fers et tout particulièrement les fers orthopédiques agissent comme des anesthésiants en limitant la circulation sanguine dans le sabot, et donc également son activité nerveuse, par une immobilisation plus ou moins totale de la boîte cornée.L’immobilisation que procure une ferrure orthopédique est encore plus grande que celle que procure un fer normal, ce qui justifie son efficacité momentanée dans la cessation des douleurs.
L’effet réducteur de l’activité métabolique par les fers peut être objectivé par un film réalisé avec une caméra thermosensible, et il est également visible sur la vidéo illustrant la vascularisation d’un sabot à l’aide d’une technique de produits de contraste faite par M. Pollitt (Australie)
Lors de la réhabilitation d’un cheval « naviculaire », il est primordial de raccourcir les talons trop hauts et les barres trop longues par rapport aux paramètres d’un sabot sain afin que l’effet douloureux des forces de levier sur le chorion cesse. On se base alors sur les angles et mesures d’un sabot sain pour la race du cheval concerné. Ceci nécessite de connaître les variations de formes de sabots selon les races et de savoir évaluer la déformation de ce pied en particulier. Pour cela il faut avoir de grandes connaissances en anatomie, physiologie et physiopathologie du sabot, ainsi qu’une expérience conséquente.
Si le cheval dispose alors de conditions de vie adaptéesavec beaucoup de mouvement sur un sol dur et que ses sabots sont fréquemment corrigés, notamment au niveau des régions en état d’inflammation qui poussent plus vite, le podologue équin pourra rétablir les sabots de façon durable. La plupart du temps ces chevaux sont guéris en quelques mois.
Après la guérison, l’image radiologique montrant les cavités agrandies dans l’os naviculaire persiste, et ceci prouve d’autant plus que ces cavités dans l’os naviculaire ne sont pas responsables de l’expression de cette douleur ( l’os spongieux n’est par ailleurs pas innervé).
Ces cavités sont seulement la conséquence d’une hyperpression artérielle locale en amont de la compression créée par la constriction du sabot. Cette hyperpression dilate les vaisseaux, à leur tour ceux-ci repoussent l’os spongieux qui dégénère petit à petit et finit par montrer ces élargissements.
Quelque soit la pathologie des sabots, et tout particulièrement dans le cas de sabots contractés et précédemment ferrés, la réhabilitation demande un traitement long et conséquent.
Le cheval doit vivre dans des conditions conformes aux besoins des équidés, c’est à dire en compagnie d’autres chevaux et à l’extérieur (stabulation libre, pâture), ce qui lui procure le mouvement nécessaire à sa réhabilitation. Il ne doit surtout pas se retrouver seul dans un box où, frustré, il s’abandonne à l’ennui, développant des tics qui le pénalisent gravement dans sa santé.
Ainsi libre et en confiance, il a toutes les possibilitéspour mettre en route ses fonctions d’auto guérison et de reconstruction.